FIN DE L’INÉGALITÉ POUR LES ADOPTIONS EN POLYNÉSIE
C’est une décision attendue par de nombreux parents adoptants qui a été rendue par la Cour d’appel d’Aix en Provence, ce lundi 17 mai 2021. La Cour d’appel a enfin mis un terme à une rupture d’égalité criante pour les parents adoptant d’enfants en Polynésie française. Pour bien comprendre l’impact de cette décision, il faut comprendre la tradition polynésienne dite du « Fa’amu ».
LA TRADITION « FA’AMU », UNE TRADITION QUI PLACE AU CENTRE L’INTERÊT DE L’ENFANT
Cette tradition ancestrale consiste, pour des parents ne pouvant assumer l’éducation d’un enfant, à le confier à la personne au sein de la communauté qui est la plus capable de pourvoir aux besoins de l’enfant.
Cette tradition prévoit toutefois que le parent adoptant soit aux côtés de la famille et de l’enfant pendant les deux mois avant la naissance de l’enfant et pendant les deux années suivant la naissance de celui-ci, avant de le prendre intégralement en charge.
Lorsque les parents adoptants viennent de France métropolitaine, il est admis qu’ils ne restent pas pendant deux années en Polynésie suivant la naissance de l’enfant mais ils doivent arriver deux mois avant sa naissance, pour rencontrer sa famille biologique.
La tradition a donc évolué mais subsiste et s’impose au droit français.
LA TRADITION POLYNESIENNE VERSUS LE DROIT FRANÇAIS
Le droit français, qui est venu s’intégrer aux règles coutumières Polynésiennes, a adapté la tradition « Fa’amu » à son corpus de règles en matière d’adoption.
La période de deux ans avant la prise en charge intégrale par le parent accueillant a donc pris la forme d’une délégation d’autorité parentale accordée par le Tribunal judicaire de PAPEETE.
Cette délégation d’autorité est renforcée puisqu’elle requiert en pratique les mêmes exigences que pour une adoption plénière.
LA NON PRISE EN CHARGE DU CONGÉ D’ADOPTION PAR LA CPAM
Tout parent accueillant un enfant en vue de son adoption, a droit à un congé d’adoption à l’arrivée de l’enfant dans le foyer.
Ce congé est de dix semaines, pris intégralement en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM).
Cela étant, la CPAM a toujours eu une position de principe qui consiste à refuser de prendre en charge le congé d’adoption d’enfants provenant de Polynésie.
En effet, la CPAM considère que ces parents n’accueillent pas ces enfants en vue de leur adoption mais dans le cadre d’une simple délégation d’autorité parentale.
Cette position s’inscrit pourtant en parfaite contradiction avec la volonté juridique de la France d’adapter son droit aux réalités coutumières de cette partie du territoire mais surtout en contradiction avec l’intérêt supérieur de l’enfant.
Les parents adoptant un enfant en Polynésie ne pouvaient ainsi bénéficier de congés pris en charge par la CPAM, contrairement aux parents adoptant un enfant en France métropolitaine.
Cette situation créait indubitablement une rupture d’égalité… jusqu’à la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 17 mai 2021.
LA NÉCESSITE DE L’INTEGRATION DE L’ENFANT DANS LE FOYER
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que les parents bénéficiant d’une délégation d’autorité parentale devaient être considérés comme des parents accueillant l’enfant en vue de son adoption.
La Cour a ainsi considéré que les parents qui accueillent un enfant dans le cadre de la tradition « Fa’amu » devaient être pleinement considérés comme des parents adoptant et devaient bénéficier à ce titre de la prise en charge du congé d’adoption par la CPAM.
La Cour justifie en outre son raisonnement en précisant que « c’est au moment de l’arrivée de l’enfant dans le foyer des personnes qui l’accueillent que l’aide à l’intégration prend tout son sens, bien davantage qu’à l’expiration d’un délai de deux ans. »