La location avec option d’achat
La LOA, connue également sous le nom de leasing, née aux USA dans les années soixante et introduite en France vers 1962, est réglementée par une loi du 2 juillet 1966 et une ordonnance du 28 septembre 1967 (L. no 66-455, 2 juill. 1966, JO 3 juill., en majorité abrogée par Ord. no 2000-1223, 14 déc. 2000, JO 15 déc. art. 4 ; Ord. no 67-837, 28 sept. 1967, JO 29 sept.).
Il s’agit d’une opération à trois personnes par laquelle l’utilisateur du bien, au lieu d’en faire lui-même l’acquisition, le fait acheter par une société financière spécialisée qui lui en procure la jouissance par un contrat de bail assorti d’une promesse de vente en fin de contrat, le client pouvant alors lever l’option consentie moyennant le versement d’un prix résiduel faible.
Cette opération de financement implique donc la conclusion de deux contrats :
1/ Un contrat de vente entre le fournisseur et le crédit bailleur
2/ Un contrat de location avec option d’achat entre le crédit bailleur et le crédit preneur
Ce mode de financement des investissements a connu un grand succès, puisqu’il permet aux entreprises de s’équiper sans avoir à immobiliser leurs fonds propres, les redevances périodiques faisant l’objet sur le plan fiscal d’une déduction et non d’un amortissement.
Les caractéristiques de la LOA sont :
o Financièrement, il s’agit d’une opération de crédit.
o Juridiquement, le vendeur du bien ne connaît que l’établissement de crédit-bail, acquéreur de celui-ci, tandis que son utilisateur n’est qu’un locataire pour la société de crédit-bail.
o Économiquement, c’est en fait le client locataire qui fait le choix du matériel puis qui se tourne vers la société de crédit-bail pour que celle-ci, bailleur de fonds, en fasse l’acquisition.
o Pratiquement, au lieu que la garantie due par le vendeur s’applique dans les rapports de celui-ci avec la société de crédit-bail acquéreur du bien, le bailleur qui n’entend pas répondre du bon fonctionnement de la chose transfère la garantie liée à l’achat de celle-ci à l’utilisateur par le jeu d’une stipulation pour autrui.
Juridiquement, le contrat de LOA n’est pas sans poser de difficultés. Entre résolution anticipée du contrat, nullité pour vices cachés, interdépendance des contrats, la question de la réglementation applicable se pose nécessairement.
I. Sur les fondements du droit commun des contrats
A. Sur la délivrance de l’objet
La délivrance, obligation fondamentale du bail de droit commun (article 1719 du Code Civil), est moins centrale dans la LOA.
En effet, si le bon de commande est envoyé par l’organisme de crédit-bail au vendeur, une stipulation contractuelle prévoit toujours que la délivrance se fera, non pas entre les mains de l’acheteur mais directement au locataire. Aussi longtemps que ce dernier n’a pas attesté de la réception sans réserve du bien, l’organisme de crédit-bail ne paye pas le constructeur ou le vendeur.
Bien souvent, le crédit-preneur signe un procès-verbal de réception sans avoir vu le bien ni avoir pu y accéder ! C’est l’envoi de ce document à l’organisme de crédit-bail qui déclenche le versement du prix de vente au constructeur ou au concessionnaire et rend exigible le premier loyer.
Cette pratique fréquente présente quelques risques quand le locataire réceptionne un bien différent de celui qui lui a été promis, ou n’est pas livré du matériel. Face à une telle situation, le crédit-preneur ne doit pas céder à la tentation de se faire justice lui-même et cesser de payer ses loyers, au risque de voir l’organisme de crédit-bail résilier le contrat à ses torts et mettre en œuvre la clause pénale.
En outre la stipulation habituelle d’une clause de non-recours contre le bailleur le prive du droit d’agir contre ce dernier.
Néanmoins, tout en continuant à payer ses loyers, le locataire peut-il se plaindre de l’absence de délivrance, obligation essentielle du bail ?
La jurisprudence a longuement hésité à ce sujet. La première chambre Civile a finalement considéré après quelques hésitations que l’organisme de crédit-bail avait pour obligation essentielle de payer le prix au vendeur et pouvait donc se décharger contractuellement de l’obligation de délivrance en la transférant sur le fournisseur, empêchant ainsi le locataire de demander la résolution du contrat de crédit-bail (1ère Civ. 24 février 1998 Bull. pourvoi no 96-10452).
En revanche la chambre Commerciale a décidé que le crédit-preneur qui avait signé un procès-verbal de réception sans réserve avant toute livraison était fondé à obtenir la résolution du contrat de crédit-bail (Cass. com. 8 décembre 1992 Bull. pourvoi no 11-891), sauf faute lourde ou fraude (par exemple Cass. com. 17 janvier 1995 pourvoi no 92-16491 et Cass. com. 7 janvier 1997 pourvoi no 14-15612).
B. Sur l’action en garantie des vices cachés
Le cas de figure habituel est plutôt celui d’un bien qui est affecté d’un vice caché ou d’une non-conformité découverte en cours d’utilisation par le crédit-preneur.
- Sur la possibilité pour le crédit-preneur d’agir en résolution de la vente
La jurisprudence a trouvé assez vite la solution. En raison du caractère supplétif de la garantie des vices cachés institué par l’article 1721 du Code civil en matière de location, les clauses exonératoires de garantie de l’organisme de crédit-bail envers le crédit-preneur ont été validées à la double condition que le locataire ait bien choisi lui-même le bien et qu’il soit « subrogé » dans les droits du crédit-bailleur contre le vendeur ou le constructeur (voir par exemple Com. 30 octobre 1973 Bull. civ. pourvoi no 72-11231 et Cass. com. 27 mai 1983 Bull. civ. pourvoi no 81-14174 à propos du thonier d’un armement breton).
Le transfert au preneur des actions du bailleur contre le constructeur ou le vendeur est toujours prévu par une stipulation contractuelle au moyen de figures juridiques variables d’un contrat à l’autre : mandat d’ester, délégation, stipulation pour autrui, cession de créance, voire subrogation (abusivement utilisée dans les contrats de LOA).
Le locataire peut donc exercer les différentes actions ouvertes à l’acheteur contre le vendeur et notamment l’action rédhibitoire prévue par les textes du Code Civil sur la garantie des vices cachés.
- Sur l’interdépendance entre le contrat de vente et de location
Pendant longtemps la jurisprudence a décidé que si la vente était résolue, le contrat de crédit-bail n’était en revanche que simplement résilié (Ch. Mixte 3 arrêts du 3 mars 1989 pourvoi no 86-11941).
Le crédit-preneur devait donc restituer le bien mais ne pouvait obtenir le remboursement des échéances de loyer déjà réglés à l’organisme de crédit-bail, la résiliation n’opérant que pour l’avenir et à compter du jour de l’introduction de la demande en justice.
Cette jurisprudence ne connaissait jusqu’à présent qu’une exception dans le domaine du droit de la consommation pour les crédits affectés.
Ainsi lorsque le crédit-bail n’excède pas un montant de 75 000 €, la loi de 1978 (devenue l’article L 311-21 du Code de la Consommation puis l’article L 312-55 en 2016) a créé une interdépendance automatique entre les deux contrats, à tel point que la résolution de la vente entraîne ipso facto celle du crédit-bail.
Un arrêt récent de la Chambre Mixte (13 avril 2018 pourvoi no 16-21345) a bouleversé la donne en prenant en compte la réforme de 2016 de la partie relative au droit des contrats du Code Civil.
Si le contrat de vente est résolu, le contrat de crédit-bail n’est plus résilié, mais caduc.
Si la caducité qui « met fin au contrat » selon l’article 1187 du nouveau Code Civil, ne devrait pas avoir d’effet rétroactif, la Cour de cassation n’en précise pas moins dans une note (note explicative relative à l’arrêt no 285) que la caducité intervient à la date d’effet de la résolution, laquelle sera le plus souvent la date de conclusion du contrat de vente. Le crédit-bailleur devra donc rembourser les loyers perçus entre la date de la signature du contrat et la date du prononcé de la caducité.
Avec ce sévère coup de barre, la jurisprudence de la Cour de cassation s’infléchit incontestablement en faveur des crédits-preneurs.
Récemment, la Cour de cassation a poursuivi l’œuvre entreprise en matière de contrats interdépendants et a contribué à généraliser la caducité comme conséquence de la disparition d’un contrat lié dans les ensembles contractuels :
« Mais attendu que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de location avec option d’achat et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat ; que c’est donc à bon droit que la cour d’appel, après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, a retenu que cette résolution entraînait la caducité du contrat de location-vente, que (l’établissement de crédit) ne pouvait se prévaloir de clauses contractuelles de garantie et de renonciation à recours et devait restituer à M. O les loyers perçus en exécution du contrat de location-vente ». (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, nº 17-12.611, P+B+I).
- Sur l’indemnisation du préjudice de jouissance du fait de l’immobilisation du bien
Se pose également la question de l’indemnisation du préjudice de jouissance lorsque le bien loué est immobilisé en raison de l’avarie et que la procédure en garantie nécessite du temps.
En fonction des stipulations contractuelles, le bailleur peut être amené à mettre à la disposition du locataire un bien qui se doit d’être d’une gamme similaire, le temps des réparations.
Si le bien est d’une gamme nettement inférieure au véhicule loué, le locataire est alors fondé à solliciter la réparation de son préjudice de jouissance (CA Dijon, 5 juill. 2018, n° 16/01943).
II. Sur les fondements du droit de la consommation
L’assimilation de la location avec option d’achat à une opération de crédit n’a rien de nouveau. Le législateur prévoit cette particularité depuis la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, dite Scrivener 1. Cette assimilation que l’on retrouve aujourd’hui à l’article L. 312-2 du Code de la consommation (à la suite de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), permet ainsi de placer le locataire sous la protection des dispositions prévues pour les crédits à la consommation, dont notamment les obligations en matière d’information.
A. Sur l’action dite de « conformité du bien au contrat » issue du droit de la consommation
Le législateur, se conformant à la directive européenne 1999/44 du 25 mai 1999, a inséré aux articles L 217-1 à L 217-16 du Code de la Consommation une nouvelle garantie dite de « conformité du bien au contrat » censée renforcer la protection du consommateur.
À l’instar du régime de la responsabilité pour les produits défectueux, elle ne remplace ni la garantie des vices cachés ni l’action en résolution pour non-conformité mais vient offrir de nouvelles munitions au consommateur en se surajoutant aux deux moyens d’action déjà efficaces dont il disposait.
Cette innovation juridique fusionne le vice caché avec la non-conformité et opère une sorte de renversement de la charge de la preuve en créant une présomption d’antériorité du défaut.
Il est ainsi énoncé à l’article L 217-7 du Code de la Consommation que : « Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Pour les biens vendus d’occasion, ce délai est fixé à six mois. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n’est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. »
Si le consommateur triomphe dans son action, la réparation de son préjudice peut à son choix être réalisée suivant plusieurs modalités (remise en état ou remplacement du bien, réduction du prix, résolution du contrat et dommages et intérêts).
Quant à la prescription de cette action, elle est biennale et son point de départ est fixé par l’article L 217-12 du Code de la consommation à la date de délivrance du bien, à la différence du délai biennal du l’action en garantie des vices cachés qui court à compter de la date de découverte du vice.
Il s’agit donc d’une petite révolution en matière de droit de la vente.
B. Sur les conséquences de la défaillance du crédit-preneur
À l’instar de tous les crédits à la consommation, la principale difficulté en matière de LOA est l’impossibilité pour l’emprunteur de supporter les échéances.
L’article L. 312-40 du Code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans l’exécution d’un contrat de LOA, le bailleur est en droit d’exiger :
1/ la restitution du bien loué ;
2/ le paiement des loyers échus et non réglés ;
3/ le paiement d’une indemnité.
En application de l’article L. 312-38 du Code de la consommation, le bailleur n’est pas fondé à solliciter une autre indemnité ou d’autres frais que ceux mentionnés à l’article L. 312-39 et L. 312-40 du même code.
Cette précision est importante dans la mesure où le bailleur pourrait être tenté de solliciter le paiement des frais de gardiennage du véhicule après sa restitution au locataire défaillant. Ce qui, en application de cet article, est interdit.
L’article D. 312-18 du Code de la consommation apporte des précisions sur le montant de l’indemnité de résiliation.
Selon cet article, cette indemnité doit être égale à la différence entre, d’une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat, augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus et, d’autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
Sans oublier que le bailleur est fondé en application de l’article D. 312-19 du Code de la consommation d’appliquer l’indemnité à 8 % des échéances échues impayées.
La valeur vénale du bien, et qui vient donc en déduction de la valeur résiduelle, est celle du bien restitué ou repris.
En matière de restitution, l’article D. 312-18 du Code de la consommation précise son régime : le locataire a la faculté dans un délai de 30 jours à compter de la résiliation du contrat de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d’achat. Si le bailleur n’accepte pas cette offre et s’il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l’offre refusée par lui.
Cette solution permet au locataire de revendre le bien au meilleur prix et ainsi réduire le montant de l’indemnité de résiliation.
Le bailleur doit se conformer à l’obligation de délivrer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme, à l’instar des autres crédits à la consommation.
À défaut, il ne peut prononcer la résiliation du contrat de location. C’est à compter de la date de résiliation que le locataire dispose d’un délai de 30 jours pour présenter un acquéreur selon les dispositions de l’article D. 312-18 du Code de la consommation.
Le bailleur ne peut dès lors pas exiger du locataire la restitution du bien loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation, une clause qui l’imposerait serait jugée abusive, car elle empêcherait le locataire de mettre en œuvre la faculté de présentation offerte par le Code de la consommation.
Se pose alors la question du sort de l’indemnité de résiliation en cas de non-restitution du véhicule ?
La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 13 novembre 2014. Elle a notamment indiqué que si le bien loué n’a pas été restitué, l’indemnité de résiliation doit être évaluée sans prendre en considération la valeur vénale du bien. Il ne fait aucun doute que cette solution présente un avantage certain pour le bailleur qui s’épargne les frais de la revente (Cass. 1re civ., 13 nov. 2014, n° 13-25137 : Contrats, conc. consom. 2015, comm. 77, Raymond G).
Enfin, il convient de souligner que l’indemnité de résiliation constitue un plafond qui peut être réduite par le juge si celui-ci l’estime manifestement excessive (CA Bordeaux, 1re ch. civ., 31 oct. 2012, n° 11/03488).