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L’avocat et l’obligation d’avoir recours à la médiation

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L’avocat et l’obligation d’avoir recours à la médiation

L’OBLIGATION D’AVOIR RECOURS A LA MEDIATION

   La médiation est devenue le fer de lance du législateur pour venir à bout des litiges de plus en plus nombreux et parvenir à désengorger les tribunaux. Ainsi, les réformes se multiplient, les rapports des divers institutions concernées proposent de nouvelles mesures et les législations abondent dans ce sens.

 La dernière réforme la plus symptomatique de ce mouvement général de conciliation est sûrement celle opérée par le décret du 11 mars 2015 n°2015-282 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends.

En effet, ce décret modifie de nombreuses dispositions du code de procédure civile (CPC) et notamment les articles 56, 57 et 757, en prévoyant une obligation de tentative de résolution amiable du litige, préalable à la saisine du juge, tentative qui doit être justifiée dans l’acte introductif d’instance puisqu’il est prévu que cet acte précise « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige » et ce, « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée » (articles 56 et 57 du CPC).

Le non respect de ces dispositions n’entraîne, cependant, pas de lourde sanction puisque l’article 127 du CPC (modifié) prévoit seulement qu’en cas de non justification des diligences accomplies en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, « le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation et de médiation ».

La résolution amiable des différents devient donc l’objectif majeur du législateur que ce soit en amont ou en aval de la procédure. Mais se pose la question de savoir quid des avocats et de l’obligation de médiation? Sont-ils contraints de recourir à un médiateur ou deviennent-ils eux-même des médiateurs?

L’avocat devient de plus en plus acteur de la médiation (I), mais il existe encore de nombreux cas où il ne fait qu’accompagner son client lors de la tentative de conciliation (II).

I – L’AVOCAT MEDIATEUR.

   Le règlement amiable des différents devient l’objectif principal des réformes, le but étant d’éviter le recours systématique au juge.

L’avocat devient lui-même médiateur par le biais de procédures facultatives et conventionnelles ou de procédures plus contraignantes.

   La conciliation des parties est un des principes directeurs du procès civil, en effet, l’article 21 du CPC dispose qu’ « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». De ce fait, l’avocat, en tant qu’acteur judiciaire doit faciliter et permettre cette conciliation.

L’avocat et la procédure participative :

La loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010, entrée en vigueur le 1er septembre 2011 a pris en compte le rôle capital de l’avocat dans la tentative de règlement amiable des conflits et crée la procédure participative, envisagée aux articles 2062 à 2068 du code civil (CC) et aux articles 1542 et suivants du CPC.

L’article 2062 du CC précise le principe de cette procédure participative, il s’agit d’ « une convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ».

Cette convention est prévue pour une durée déterminée et affectée d’un terme. Il s’agit d’un écrit (à peine de nullité conformément aux dispositions de l’article 2063 du CC) qui contient l’objet, le terme, les pièces et les informations nécessaires à la conciliation. Toutefois, une telle convention ne peut porter que sur les droits dont les parties ont la libre disposition. Elle rend irrecevable tout recours au juge. Cette procédure participative comporte deux phases : une phase conventionnelle et une phase juridictionnelle.

Lors de la phase conventionnelle de recherche d’un accord, le ministère d’avocat est obligatoire (article 2064 du CC) et ce sont les deux avocats respectifs des parties qui mènent les négociations. Au terme de la phase conventionnelle, il y a la phase juridictionnelle lors de laquelle soit les parties sont parvenues à un accord que le juge homologuera, soit elles ne sont pas parvenues à un accord et il y aura renvoi direct à une audience de jugement. En effet, dans cette procédure, il n’y a pas d’audience de mise en état puisque la phase conventionnelle remplace la mise en état, ce qui présente l’avantage non négligeable de rapidité. Le le décret du 11 mars 2015 n°2015-282 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends a favorisé le recours à cette procédure participative en introduisant à l’article 757 du CPC un tempérament à la caducité pour défaut d’enrôlement dans les quatre mois de l’assignation, en effet, il est prévu que l’assignation sera caduque « à moins qu’une convention de procédure participative ne soit conclue avant l’expiration de ce délai. Dans ce cas, le délai de quatre mois est suspendu jusqu’à l’expiration de la procédure conventionnelle ».

La tentative de règlement amiable avant tout litige

   A côté de cette procédure conventionnelle dont l’avocat est l’acteur central, se développent également des obligations préalables de tentative de règlement amiable des litiges qui font de l’avocat, un médiateur malgré lui.

Le décret du 11 mars 2015 n°2015-282 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends en donne une illustration et a mis en place une obligation de justifier, dans l’acte introductif d’instance (assignation, requête), de diligences accomplies en vue de parvenir à une résolution amiable du litige (nouveaux articles 56 et 58 du CPC). Cette obligation s’impose donc à l’avocat qui doit, préalablement à l’introduction d’une instance, tenter une conciliation entre parties. Aucune précision n’est donnée quant à la nature de la tentative. Il est seulement précisé qu’il faut en justifier. Ici l’avocat joue le rôle de médiateur mais cela s’impose à lui.

Cette obligation est à tempérer puisque elle n’est pas réellement sanctionnée comme nous l’avons précédemment expliqué puisque en cas de non respect de cette obligation, ce n’est point la nullité qui est encourue, le juge doit seulement lui-même procéder à cette tentative de conciliation (comme le précise le nouvel article 127 du CPC).

De même, cette obligation ne vaut que pour les procédures pour lesquelles il n’est pas déjà prévue une conciliation préalable obligatoire donc elle ne joue pas, par exemple, en matière de divorce, ou encore dans le contentieux du travail.

L’ensemble de ces mesures vise à faciliter les conciliations entre clients et éviter le plus possible les contentieux judiciaires. Mais parfois cela nécessite un tiers extérieur. (II)

II – L’AVOCAT : UN ASSISTANT DE LA MEDIATION.

Qu’est-ce que la médiation ?

La médiation, dont l’objet est de procéder à la confrontation des prétentions respectives des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur, est une modalité d’application de l’article 21 du CPC tendant au règlement amiable des litiges (cf 2°civ. 16 juin 1993). Elle permet d’assurer, sous le contrôle du juge et en présence d’une personnalité ayant sa confiance, la confrontation des points de vue respectifs des parties à un litige et d’entamer la négociation (cf Cour d’Appel de Paris 16 mai 1988).

   Le nouvel article 128 du CPC dispose que « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance. » Pour cela, la conciliation est tentée « au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe » (article 129 du CPC) sachant que « les parties peuvent toujours demander au juge de constater leur conciliation » (article 129-1 du CPC). Le juge peut donc désigner un conciliateur de justice pour procéder à la tentative de conciliation, cette procédure est gratuite (articles 129-2 à 131 du CPC). Le juge peut également désigner un tiers extérieur « médiateur » : personne physique ou personne morale et recourir à la médiation toujours avec l’accord des parties (articles 131-1 à 131-15 du CPC). A l’expiration de sa mission, le médiateur sera rémunéré.

La médiation familiale

Il existe des médiations plus spécifiques à certaines matières à l’image de la médiation familiale prévue à l’article 373-2-10 du CC qui est une mesure de médiation facultative qui nécessite l’accord des parties et pour laquelle le juge désigne un médiateur familial, le but étant de « faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale ».

   Toujours dans le domaine de la famille, une tentative de médiation préalable obligatoire en matière familiale a été expérimentée en début d’année 2013 jusqu’à la fin de l’année 2014 dans les Tribunaux de Grande Instance (TGI) d’Arras et de Bordeaux pour le contentieux hors et post divorce. A Bordeaux, le bâtonnier avait négocié une convention qui prévoie que chaque partie peut être assistée de son avocat à chaque stade de la médiation, en effet, la présence de l’avocat rassure le client. Dans le TGI d’Arras, il était prévu que le médiateur et les avocats respectifs soient présents lors de la médiation et que la réunion de médiation se tienne à la maison de l’Avocat. (cf l’article d’Anne PORTMAN  en date du 11 octobre 2013 publié chez Dalloz actualité et intitulé « Médiation familiale obligatoire : quelle place pour les avocats? »)

   Un rapport de l’Inspection générale des services juridiques (IGSJ) dans le cadre de la réforme de la justice du 21ème siècle a été rendu suite à une mission qui leur avait été confié. Il s’agissait ici d’une mission d’évaluation des modes amiables de résolution des différends (MARD). Le rapport a préconisé la mise en place d’un préalable obligatoire de conciliation pour les saisines de la juridiction de proximité et du Tribunal d’Instance (TI) par déclaration au greffe, le but étant de rendre le recours aux MARD plus attractif qu’un procès et pour cela, l’IGSJ propose de donner une force probante à certains accords résultant d’une médiation familiale et de développer des barèmes juridiques.

Le rapport propose également de rendre le recours aux MARD plus intéressant pour les acteurs judiciaires avec, par exemple, une valorisation de l’intervention, au titre de l’aide juridictionnelle, des avocats acceptant au nom de leur client de s’engager dans un tel processus. (cf l’article de Caroline Fleuriot en date du 29 mai 2015 publié chez Dalloz actualité et intitulé : « Un rapport préconise la conciliation obligatoire dans les petits litiges »)

L’avocat et la recherche de conciliation

   La conciliation des parties est donc l’objectif principal du législateur et les diverses réformes abondent dans ce sens que ce soit en amont ou en aval du procès. L’avocat joue un rôle majeur dans la médiation ce qui s’explique par sa position centrale au sein du procès et la mission d’assistance qui lui est confiée, en effet, comme le prévoit l’article 412 du CPC, « la mission d’assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger », elle implique donc que l’avocat soit, à tout le moins, présent lors de la mesure de conciliation pour qu’il puisse défendre au mieux les intérêts de son client et le conseiller.

Sébastien SALLES

Avocat associé, j'interviens en contentieux - litigation - Mes valeurs : Travail et Humanité. Français - Anglais. Ecole de Avocat du Sud-est, HEC PARIS, Ancien Membre du conseil de l'Ordre de Marseille. Enseignant Kedge business School.

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