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prêt immobilier et clause abusive : Une mise en demeure prévoyant un délai plus long que le contrat ne régularise pas la clause de déchéance du terme abusive

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prêt immobilier et clause abusive : Une mise en demeure prévoyant un délai plus long que le contrat ne régularise pas la clause de déchéance du terme abusive

Ces deux dernières années ont été très prolifiques pour la Cour de cassation s’agissant des conditions de mise en œuvre, par une banque, de la déchéance du terme d’un contrat de prêt immobilier.

Pour valablement prononcer la déchéance du terme du prêt, l’organisme prêteur doit déjà pouvoir s’appuyer sur une clause de déchéance du terme bien rédigée, celle-ci courant fortement le risque d’être qualifiée de clause abusive et pouvant dès lors causer l’irrégularité de la déchéance prononcée sur son fondement (voir article :  clauses abusives et conséquences sur la déchéance du terme).

 

Mais, en plus d’une clause bien rédigée, il faut également que la banque sache correctement la mettre en œuvre.

 

Se pose alors la question de la mise en demeure : en faut-il une et, lorsque c’est le cas, comment doit-elle être rédigée et quel préavis doit-elle laisser à l’emprunteur ?

 

La jurisprudence indique clairement depuis plusieurs années que le prêteur peut ne pas mettre en demeure l’emprunteur avant de prononcer la déchéance si et seulement si la clause de déchéance du terme prévoit expressément qu’il peut s’en dispenser.

 

En revanche, si la clause est muette sur la question de la mise en demeure, la Cour de cassation estime que le prêteur doit nécessairement en délivrer une avant de prononcer la déchéance du terme.

 

Le principe étant posé, penchons-nous maintenant sur le contenu de la mise en demeure : elle doit préciser l’intention de la banque de se prévaloir de la déchéance, le délai accordé à l’emprunteur pour tenter de régulariser sa situation et le détail des impayés ou des erreurs de déclaration à l’origine de cette déchéance.

 

Enfin, sur le délai accordé à l’emprunteur : la Cour de cassation exige un délai « raisonnable », sans jamais préciser clairement à quoi cela correspond. L’analyse de la jurisprudence permet cependant d’affirmer qu’un délai de 15 jours semble être le minimum requis pour être considéré comme raisonnable.

Reste une question en suspens : si la clause de déchéance du terme prévue au contrat prévoit un délai qui n’est pas « raisonnable » au sens de la jurisprudence (disons donc inférieur à 15 jours), mais que la mise en demeure délivrée à l’emprunteur sur son fondement laisse à ce dernier un délai plus long, cela suffit-il à considérer que la déchéance du terme est valablement mise en œuvre par le prêteur ?

Dans un important arrêt du 3 octobre 2024, la Cour de cassation a répondu à cette question par la négative : non, ce n’est pas parce que la mise en demeure accorde un délai raisonnable à l’emprunteur que la déchéance du terme prononcée à son expiration est valable, si celle-ci est fondée sur une clause prévoyant un délai non raisonnable.

 

Autrement dit, si la clause est, encore une fois, mal rédigée en ce qu’elle prévoit un délai de mise en demeure non raisonnable et encourt donc la qualification de clause abusive, la mise en demeure délivrée sur fondement aura beau être plus souple avec l’emprunteur en lui accordant plus de temps, elle ne pourra pas régulariser la clause abusive.

 

Le raisonnement juridique est finalement, ici, assez simple : une clause abusive est sanctionnée par le réputé non écrit. Or, si la clause est réputée non écrite, elle ne peut être actionnée, quand bien même elle le serait par voie de mise en demeure accordant un délai raisonnable.

Il s’en suit naturellement que, la déchéance étant irrégulière, elle n’a pas effet et le contrat de prêt immobilier doit continuer son cours.

Arrêt : Civ. 2ème, 3 oct. 2024, n° 21-25.823

Sébastien SALLES

Avocat associé, j'interviens en contentieux - litigation - Mes valeurs : Travail et Humanité. Français - Anglais. Ecole de Avocat du Sud-est, HEC PARIS, Ancien Membre du conseil de l'Ordre de Marseille. Enseignant Kedge business School.

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