Refus du prosélytisme dans l’entreprise
Un salarié peut-il inciter à la pratique d’une religion dans l’entreprise ?
La Cour d’Appel de Versailles a jugé que le comportement d’une infirmière qui avait contraint une patiente à prier et lui avait parlé de Dieu et de la religion constituait une faute disciplinaire et justifiait le licenciement de la salariée.
Ainsi, si l’employeur doit garantir le droit au respect des convictions religieuses du salarié, ce dernier ne doit pas commettre d’abus et avoir un comportement prosélyte au sein de l’entreprise.
CA Versailles 6 décembre 2012 n° 11-02076, 11e ch., A. G. c/ SAS Clinique médicale du Pacr
(Extraits)
Considérant que la lettre de licenciement notifiée à Mme G. est rédigée en ces termes :
« Pour faire suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé en nos bureaux le 9 octobre dernier, j’ai le regret de vous informer que nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant :
Le 28 septembre dernier nous avons été interpelles par une infirmière, Madame P., au sujet d’une patiente, Madame L., âgée de 66 ans qui présentait des symptômes d’angoisse importants accompagnés de tremblements.
Interrogée, la patiente nous a informes qu’a plusieurs reprises au cours de son séjour dans la clinique, vous l’avez terrorisée en vous livrant la nuit dans sa chambre, à des incantations, lui parlant de Dieu et de la mort et la contraignant à se mettre à genoux pour prier à vos côtés.
Ces agissements sur des patients fragilisés par la maladie sont totalement inacceptables dans un Etablissement de soins.
Le médecin de service ayant reçu des plaintes il y a quelques mois pour les mêmes raisons, Madame F. vous avait demandé de ne pas parler de Dieu avec les patients.
Vous avez refuse de suivre ses consignes, mettant en danger la santé mentale de nos malades (…).
Considérant qu’il ressort des pièces produites que Mme G., infirmière diplômée d’Etat, disposant d’un service de nuit, était affectée au service de cancérologie et soins palliatifs de la clinique ;
Que le contrat de travail de Mme G., en date du 17 septembre 2001, comporte la mention suivante : “la plus grande discrétion s’impose à tout le personnel et plus particulièrement à l’égard des patients pour préserver leur repos et leur sérénité. Il est à noter que la clinique médicale du Parc s’est engagée dans une procédure d’accréditation et dans une politique de qualité auxquelles les salariés sont tous impliqués” (…).
Qu’il ressort encore d’un courrier du docteur A. adresse dès le lendemain, 29 septembre 2009, à Mme F., directrice des soins, qu’à son arrivée “la patiente était dans un état d’angoissé extrême avec tremblements, parole saccadée, qui demande à quitter impérativement la clinique le 28 septembre 2009 au soir pour ne pas voir l’infirmière de nuit Mme G.” ; qu’il précise aux termes de ce courrier du 29 septembre que “Aux dires de Mme L., plusieurs fois pendant son séjour à la clinique, Mme G. est entrée dans sa chambre et faisait des prières et des incantations qui terrorisaient Mme L.. Cette patiente est fragile et convaincue d’avoir été convertie par Mme G.” ;
Considérant que les éléments relatifs aux incantations et prières qui auraient été imposées a Mme L. ne résultent que du compte rendu, signé par la patiente, de sa conversation avec le docteur A. le 28 septembre 2009 ;
Considérant, toutefois, qu’il ressort de l’ensemble des pièces ci dessus examinées que Mme G., qui d’ailleurs le reconnaît a minima, a eu avec Mme L. une conversation sur le thème de la religion et de la foi ; que cette conversation a manifestement déclenché chez la patiente, fragilisée par la maladie, un état d’angoisse sérieux et la crainte d’être à nouveau confrontée à Mme G. ;
Que de plus, le compte rendu d’entretien préalable et l’attestation de Mme F. font référence à un précédent survenu au cours de l’année 2008, certains patients s’étant plaints d’un discours religieux de la part de Mme G. ; qu’il ressort de ces deux pièces que Mme G. s’était entretenue avec Mme F., qui avait attiré son attention sur la nécessité de s’abstenir de telles conversations ;
Considérant que la réalité des griefs formulés a l’encontre de Mme G. est en conséquence établie et que ceux-ci constituent une violation par la salariée de ses obligations contractuelles qui, si elle ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise, constitue cependant une cause réelle et sérieuse de licenciement (…)
Clément Benaim
Avocat Marseille